1er dimanche du carême
Abbé Jean Compazieu | 22 février 2009Textes bibliques : Lire
Depuis mercredi dernier, nous voici parvenus au temps du Carême. Quand nous évoquons cette période, nous pensons “pénitence” ou “privations”, un peu comme le Ramadan des musulmans. En fait les textes bibliques ne nous parlent pas de pénitence mais de repentir et de conversion. Ce mot “conversion” ne doit pas seulement être pris au moral ou spirituel, mais au sens littéral. C’est d’un demi tour qu’il s’agit. Nous sommes appelés par le Seigneur lui-même, à un changement radical de direction : “Revenez à moi de tout votre cœur…” Le maître mot du Carême, c’est “reviens”.
La première lecture dénonce précisément le péché de l’humanité. Dès le départ, les hommes se sont détournés de la volonté de Dieu et ont sombré dans la violence. Le péché nous est présenté comme une conséquence de cette violence. Mais après le déluge, Dieu se manifeste à Noé. Il conclut avec lui une alliance de paix, une alliance universelle, unilatérale et sans condition. Cela signifie que Dieu s’intéresse à tout ce que font les hommes : leur culture, leurs inventions et leurs ambitions légitimes. Dieu n’est pas seulement le Dieu des croyants, mais du monde entier. Son plan créateur ne contemple pas seulement le salut des âmes : grâce au progrès technique et culturel, les hommes sont mis tous les jours davantage en face de leurs responsabilités ; Dieu les prépare pour l’union de tous les peuples dans le Christ et par l’Esprit Saint.
Dieu ne s’est pas fait connaître à tous les groupes humains comme il a fait pour Israël, et plus tard, pour les chrétiens. Mais à tous les hommes, dans tous les pays, il donne des signes de sa providence et de sa bonté à travers les événements quotidiens : il invite les descendants de Noé à voir dans l’arc-en-ciel le rappel de son alliance avec eux. A l’époque, le fait d’accrocher son arc au mur, c’était le signe du temps de paix : l’arc-en-ciel est cet arc que Dieu accroche dans le ciel, sa tente.
Ce Dieu qui a fait alliance avec tous les peuples nous prépare à accueillir le message de l’évangile. Plusieurs siècles plus tard, le Christ versera son sang pour la multitude. Le grand message de l’évangile c’est que Dieu est notre allié. Il veut à tout prix nous libérer du péché qui nous entraîne vers la perdition.
L’évangile nous présente précisément celui qui accomplit cette œuvre de Salut. Jésus vient d’être baptisé par Jean au bord du Jourdain. Il a été désigné comme le Fils bien aimé du Père. Aussitôt après cet événement, l’Esprit le pousse au désert. En fait la traduction est trop faible. Il faudrait dire : “L’Esprit le chasse au désert”. Nous devons aussi souligner l’importance de ce “Aussitôt” qui revient souvent dans l’évangile de Marc. Il y a là un message important pour notre carême. Ce n’est pas “Je commence demain ou plus tard…” C’est aujourd’hui et maintenant que le Seigneur attend ma réponse à son appel.
Quand nous lisons cet évangile, nous pensons aux hébreux qui, au temps de Moïse, furent jetés au désert par Pharaon. Ils y ont vécu un exode qui a duré quarante ans. Avec l’évangile de ce dimanche, nous voyons Jésus qui commence un nouvel exode. Les hébreux allaient vers la Terre promise. Jésus va vers son Royaume et nous entraîne à le suivre. Tout au long de ce carême, nous sommes invités à faire une “conversion”, un demi tour et à réorienter notre vie vers lui. Dans un monde marqué par les vacarmes des moteurs et les hurlements de la radio et de la télévision, nous penserons à réserver des zones de désert, de silence pour retrouver Dieu. Il est le Chemin, la Vérité et la Vie. C’est par lui et avec lui que nous allons au Père.
Au désert, le peuple hébreu s’est révolté contre Dieu. Jésus a lui aussi connu les tentations et les épreuves qui sont celles de tous les humains. Mais parce qu’il est habité par l’Esprit, il en est sorti vainqueur. Bien mieux qu’avec Noé dans la première lecture, cette victoire du Christ sur les forces du mal est le point de départ d’une nouvelle alliance. Cette alliance nouvelle et éternelle est offerte à “toutes les nations qui sont sous le ciel.” (Actes 2. 5) C’est la bonne nouvelle que Jésus proclame à travers la Galilée : “Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche : “Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle”. Annoncer la bonne nouvelle c’est dire que le règne de Dieu est en train de commencer. Le projet de Dieu est en train de se réaliser.
Tout au long de ce carême, nous sommes invités à suivre Jésus au désert. Il veut nous associer à sa victoire. Souvent, nous demandons à Dieu de nous protéger. Or voilà qu’aujourd’hui, il nous conduit sur le lieu du combat. Il nous met en face de nos responsabilités. Mais il ne nous laisse pas livrés à nos seules forces. C’est avec le Christ que nous pourrons être victorieux des forces du mal. Nous pouvons vraiment nous appuyer sur lui. Son amour nous est acquis une fois pour toutes et rien ne peut nous en séparer.
Dans notre vie, le carême n’est pas un contre temps fâcheux. C’est un temps de libération. Nous sommes invités à nous libérer de tout ce qui nous empêche d’aller vers les autres et vers Dieu. C’est un temps pour aimer : “Quarante jours à prendre comme on prend des vacances, quarante jours à ne rien faire d’autre que d’aimer”. Jésus nous ouvre le chemin. Nous vivons dans un monde imprégné par l’indifférence, l’incroyance, la “non foi”. C’est pour ce monde que le Christ est venu. A travers notre vie et notre témoignage de foi, tous doivent pouvoir reconnaître que “le règne de Dieu s’est approché.” Entrons résolument dans cette alliance que le Seigneur nous propose.
D’après diverses sources
Bonjour,
Grand merci pour cette belle homélie qui aide vraiment à vivre le temps de careme et à réorienter la vie à Dieu de l’Alliance en Jésus-Christ.
“Reviens”….Vraiment belle homélie qui nous conduit sur le chemin de la “conversion” ! merci Père …votre conclusion est pleine d’ Espérance….
“….quarante jours à ne rien faire d’autre que d’aimer….” Dieu viens à mon aide!
Seigneur à mon secours!
Très intéressant comme enseignement. Puisses le Seigneur vous illuminer davantage pour que devenions des vrais fils de Dieu.
« Après moi le déluge ! » Qui, un jour ou l’autre, n’a pas entendu cette expression ? Elle ne révèle guère un souci des autres, de l’avenir de la planète. Elle est figure d’égoïsme.
« Après le déluge », c’est ce dont nous entretient ce jour le livre de la Genèse (1ère lecture). Dieu situe son action après un déluge qui a vu la disparition innombrable d’être vivants, animaux et être humains. S’adressant à Noé, sauvé des eaux destructrices, il assure que son alliance avec l’humanité n’a pas été rompue. Demeure toujours son amour pour « tous les êtres vivants », « les générations à venir ». « L’arc en ciel » s’en veut signe visible au milieu des nuages qui assombrissent le ciel. « Plus de déluge pour ravager la terre ». L’amour de Dieu est infini, constant et fidèle envers une humanité pécheresse.
« Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance ». C’est ce que veut affirmer le Seigneur, par son Eglise, en ce premier Dimanche de Carême, comme le souligne le Psaume. Dans la vérité de sa parole et de ses promesses Dieu ne cesse d’aimer. Ainsi le reconnaissent ceux et celles qui se tournent vers Lui. Ils peuvent l’exprimer : « Fais-moi connaître ta route » ; « Dans ton amour, ne m’oublie pas ». Rejetant tout orgueil humain Dieu « enseigne aux humbles son chemin ». Soyons de ceux-ci !
Dans sa première lettre aux chrétiens (2ème lecture) l’Apôtre St Pierre, notre premier Pape, rappelle la place éminente du Christ Jésus « mort pour les péchés », mais qui « dans l’esprit, a été rendu à la vie ». C’est lui qui nous sauve maintenant par le Baptême dont le déluge était préfiguration. St Pierre en profite pour préciser la valeur du baptême, non voulu pour « purifier de souillures extérieures » mais pour « s’engager envers Dieu avec une conscience droite ». Ainsi participons-nous à la résurrection du Christ « à la droite de Dieu ». Ainsi entrons-nous dans une vie nouvelle avec un cœur transformé, susceptible d’aimer comme Jésus nous aime.
L’Evangile voit Jésus au désert après son baptême par Jean dans le Jourdain. Il est « tenté par Satan », révélation d’une puissance néfaste pour séparer de Dieu. Elle n’aura aucune force face à Jésus. Il est venu pour « proclamer cette Bonne Nouvelle de Dieu ». A la victoire sur les puissances démoniaques elle associe celle sur le péché et la mort, résurrection et vie éternelle.
Aucune hésitation ! « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». La ligne essentielle du Carême est tracée : Changeons nos cœurs en adhérant pleinement à Jésus et son Evangile !
Père Jean M
Reprenons donc du Désert
“Carême” ? Encore un mot devenu insignifiant. Aussi importe-t-il d’abord de ressaisir le sens de cette période qui nous prépare à Pâques. Au moment même où la nature figée par l’hiver frémit sous le renouveau du printemps, l’Eglise nous propose non pas la tristesse mais au contraire un sursaut de vie, une “ré-surrection”. Ne tirons pas “une face de carême”, quittons cette piété morose et sinistre qui fait fuir les jeunes et osons un christianisme de vie.
Notre bonheur, en effet, consiste dans l’équilibre des trois relations qui nous constituent:
relation à nous-mêmes et à notre corps – rectifiée par le JEÛNE
relation aux autres- justifiée par le PARTAGE DES BIENS
relation à Dieu. – établie par la PRIERE
Jadis, on nous invitait à un “carême de pénitence” – 1ère relation -: faire des sacrifices, jeûner, nous priver de dessert, manger du poisson à certains jours. On risquait de tomber dans le formalisme et l’enfantillage. Pharisaïsme !
Dans les années 60, avec le Concile et la découverte de la tragédie de la faim dans le monde, on inventa le “carême de partage”- 2ème relation – : donner de l’argent pour soutenir des projets de développement dans le tiers-monde. Bien ! mais combien de chrétiens ne donnent même pas le 1/10ème de ce qu’ils dépensent pour leur superflu et leurs voyages ?…Pharisaïsme !
Le temps est venu de redécouvrir en priorité notre relation à Dieu et de faire un “carême de prière”. Non de rabâchage de formules mais d’oraison courageuse à l’écoute de Dieu, dans le silence et la solitude. Car c’est la vérité de ce rapport essentiel qui nous permettra de convertir les autres relations
LE CAREME INAUGURAL DE JESUS AU DESERT
En effet telle fut bien l’action première de Jésus au lendemain de son baptême, comme le rapporte Marc dans l’évangile de ce 1er dimanche: il ne dit pas que Jésus n’a plus mangé ni qu’il s’est lancé dans l’action humanitaire ni qu’il s’est mis à prêcher aux foules. Il est allé prier tout seul.
Comme beaucoup de jeunes de son temps, le charpentier de Nazareth, avait répondu à l’appel de Jean-Baptiste qui annonçait la venue du Messie. Sous l’exhortation du prophète, Jésus était descendu dans le Jourdain mais, en sortant de l’eau, il avait soudain perçu l’appel de Dieu:
” Tu es mon fils bien aimé : en toi j’ai mis mon bon plaisir”.
Tous les autres baptisés retournèrent chez eux et reprirent leur vie ordinaire. Ils avaient accompli un rite mais allaient-ils se convertir réellement comme l’exigeait le Baptiste ? Rien n’est moins sûr. Jésus, lui, bouleversé par la Voix de Dieu, s’enfonça dans la solitude du désert.
Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le poussa au désert. Et dans le désert, il resta 40 jours, tenté par satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient.
Jésus vient de recevoir son ordre de mission: il est le Fils chéri de son Père du ciel qui le charge d’instaurer aujourd’hui le Royaume de Dieu parmi les hommes. Son identité et sa mission lui sont solennellement proclamées, mais dès lors que faire ? Aucune précision ne lui a été communiquée. Le Fils de Dieu n’est pas un pantin manipulé mais un homme libre qui doit réfléchir, méditer, chercher afin d’accomplir le projet de Dieu tel que Dieu le veut.
Sous la poussée de l’Esprit, Jésus commence une retraite personnelle. Elle durera 40 jours – claire allusion au peuple de ses ancêtres, les esclaves hébreux, libérés d’Egypte, et ayant passé la Mer pour marcher pendant 40 ans dans le désert du SinaÏ. Jésus reprend l’aventure de son peuple qui, à cause de ses infidélités, a échoué à faire venir le Royaume de Dieu.
Jésus est “tenté par satan” – La tentation n’est pas un péché: elle est la conséquence normale de notre liberté. Si l’animal est conduit par ses instincts, l’être humain se trouve perpétuellement devant un choix: deux chemins s’offrent à lui. Au contraire des Hébreux dans le désert qui succombaient sans cesse aux tentations, renâclaient devant les volontés de Dieu, “râlaient” devant les circonstances précaires, refaisaient des idoles, Jésus, lui, discerne le bien du mal, il écarte les suggestions mensongères et opte pour Dieu seul !
Inaugurer le Royaume de Dieu: par quelle méthode, par quel moyen ? A la différence de Matthieu et Luc, Marc ne précise pas les trois tentations fondamentales auxquelles Jésus est soumis ( le matérialisme, le prestige du miracle, l’emploi de la violence). Elles sont celles que tout homme rencontre.
Il vit “parmi les bêtes sauvages du désert”: il retrouve la paix du paradis, il échappe à la cruauté, à la loi de la jungle, à la dictature de la violence. Avec lui déjà la création retrouve son harmonie.
Et “les anges le servent”: les mystérieuses créatures spirituelles s’inclinent devant cet homme qu’elles reconnaissent d’un statut supérieur au leur.
Un jour, Jésus apprend que Jean-Baptiste vient d’être arrêté. La voix du précurseur s’est tue: la voix du Messie peut retentir. Jésus est décidé et il sait que sa mission le conduira sans doute au même destin. Il retourne dans sa province. Le héraut de l’Evangile se fait entendre et appelle les libertés:
Jésus partit pour la Galilée, il proclamait la Bonne Nouvelle de Dieu:
” Les temps sont accomplis; le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile”
POUR NOTRE CAREME EN VERITE
Voilà la scène, brève mais capitale, que l’Eglise met sous nos yeux en ce jour inaugural. Qu’est donc le carême ? D’abord reprendre conscience de notre identité nouvelle. Au baptême, en nous disant: ” Tu es mon fils, tu es ma fille” et en nous donnant son Esprit, Dieu nous a offert la communion de vie avec lui et donc entre nous. Nous sommes devenus le peuple des enfants de Dieu, des frères et sœurs animés du même Esprit. Cet Esprit nous pousse à débusquer les tentations insidieuses qui nous éloignent de Dieu. Redécouvrons l’essence de notre mission et la manière de l’accomplir. Nous sommes le peuple messianique: telle est notre vocation fondamentale, notre profession.
Donc comme Jésus, entrons en désert: solitude, silence, recul, réflexion. Ecartons les divertissements futiles.
—-Baptisés et même pratiquants de la messe dominicale, ne vivons-nous pas finalement comme des païens ? Suffit-il d’être gentil, honnête, serviable pour être chrétien ?
—Quel est le signal de la crise actuelle ? On se rend compte que l’on a adoré l’Argent, couru après le profit, oublié les pauvres, gaspillé les ressources . L’Evangile avait prévenu que là était le mal, l’ignominie, le péché !!
—-Depuis la naissance de “la société de consommation” (jouir de tout, tout de suite), pourquoi séminaires et couvents se vident-ils ? Pourquoi n’arrivons-nous plus à transmettre nos convictions de foi aux nouvelles générations ? Le carême est un temps favorable pour le débat, les échanges: réunissons-nous. Que faire ensemble?
— Alors que le Concile avait promu une formidable réforme afin de nous offrir une liturgie vivante, parlante, interpellante, pourquoi nos assemblées s’amenuisent-elles à ce point ? Pourquoi cette hémorragie des pratiquants ? Faut-il accuser la société ou prendre conscience de l’insuffisance de nos engagements devant les défis de la modernité ?
Purifiés par la prière, animés par une nouvelle conviction, délivrés de nos peurs, nous pourrons alors, à la suite du Seigneur, recommencer à évangéliser.
R. D…, dominicain
Parle , Seigneur : Ton serviteur écoute
Une citation prise dans le livre du RP Timothy Radcliffe “Why go to Church? The Drama of the Eucharist” Ce sont les conferences de Careme 2009 rediges a l’invitation de l”Archeveque de Canterbury. Il y cite sont ancien professeur dominicain The RP Father Herbert Mc Cabe en cette belle citation sur le sacrement de Penitence:
“If we go to confession, it is not to plead for forgiveness from God. It is to thank him for it…..When God forgives our sins, He is not changing his mind about us. He is changing our minds about Him.”
Bon careme a tous
En Xst
BH